JORT : nouveau décret sur les sociétés communautaires
Publié au Journal officiel le 3 octobre 2025, le décret-loi n°2025-3 modifie en profondeur la législation de 2022 sur les sociétés communautaires.
Cette réforme redessine leur gouvernance, instaure un registre national et accorde un ensemble inédit d’avantages fiscaux et fonciers pour encourager ce modèle porté par le président de la République.
Le texte établit désormais deux catégories :
les sociétés communautaires locales, regroupant au minimum dix participants issus d’une même délégation,
les sociétés communautaires régionales, nécessitant quinze participants provenant de plusieurs délégations d’un même gouvernorat.
Le capital social minimum est fixé à 5 000 dinars pour les premières et 10 000 dinars pour les secondes, alors qu’auparavant la loi imposait un seuil de cinquante participants.
Autre innovation majeure : la création d’un Registre national des sociétés communautaires, géré par le ministère compétent. L’inscription à ce registre conditionne désormais l’existence légale des sociétés, leur identifiant fiscal devenant leur identifiant unique. Une plateforme électronique centralisera la création, la mise à jour et le suivi administratif.
La gouvernance est également réformée. Chaque société sera administrée par un conseil élu : de trois à cinq membres pour les locales, de cinq à dix pour les régionales, avec des mandats de trois ans renouvelables deux fois. Le cumul avec des responsabilités dans d’autres sociétés ou mutuelles est interdit, et l’adhésion est limitée à une seule société communautaire.
Le ministère chargé des sociétés communautaires voit ses prérogatives renforcées : contrôle des rapports financiers, observations sur la gestion, convocation d’assemblées générales extraordinaires et, en cas de manquements graves, dissolution du conseil d’administration remplacé par un comité provisoire. Toutes ces procédures passeront par la plateforme électronique.
Le décret-loi prévoit en outre un arsenal d’incitations sans précédent :
exonération d’impôts et de taxes pendant dix ans
suspension de la TVA
crédits bancaires à taux préférentiels
financements garantis par le Fonds national de garantie
Les sociétés communautaires bénéficient aussi d’un accès prioritaire aux terres domaniales agricoles, avec des baux de 40 ans et une exonération de loyer durant les cinq premières années. Elles peuvent en outre exploiter des immeubles publics non agricoles, gérer des ressources forestières non ligneuses ou exercer des activités de transport collectif. En cas de concurrence sur un même bien, l’attribution se fera par tirage au sort sous contrôle d’huissier.
Dans l’attente du lancement effectif de la plateforme, les inscriptions se poursuivent au Registre national des entreprises, avec un transfert des dossiers prévu vers le nouveau registre ministériel dans un délai maximal d’un mois.
Signé par le président de la République, ce décret-loi illustre une nouvelle fois la volonté de Kaïs Saïed de concrétiser son projet phare des sociétés communautaires. Présentées comme l’un des piliers de son modèle alternatif de développement, elles bénéficient désormais d’un cadre juridique, fiscal et foncier renforcé. Reste à savoir si cette architecture, pensée à Carthage, saura dépasser l’effet d’annonce et trouver une traduction concrète dans la réalité économique et sociale du pays.