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La Tunisie explore son riche patrimoine sous-marin

Une première expédition au large de l’île Pilau, dans le nord du pays, doit permettre une relecture inédite de l’histoire du commerce maritime dans la région.

« J’ai toujours la chair de poule quand je découvre un objet sous l’eau, car je sais qu’il n’a pas bougé pendant des siècles », s’émeut Slim Medimegh. Ce plongeur professionnel est aussi le directeur technique de la première expédition archéologique sous-marine conduite au large de l’île Pilau, dans le nord de la Tunisie, début octobre.

Dans le cadre d’une mission engagée par l’Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle (AMVPPC), une équipe a remonté à la surface une douzaine d’objets de sites sous-marins, vestiges de navires ayant chaviré à travers les siècles. « De nombreux bateaux venaient mouiller dans le coin pour s’abriter des tempêtes et s’allégeaient de leurs cargaisons en jetant par-dessus bord les contenants cassés ou fissurés pendant leurs traversées. D’autres ont aussi fait naufrage, explique Slim Medimegh. La plupart des pièces archéologiques trouvées sont encore intactes, mais elles sont très fragiles et compliquées à extraire à cause des substrats comme la vase et la posidonie. »

Ces trouvailles enfouies entre 18 et 30 mètres de profondeur (des amphores puniques, italiennes, africaines, des ancres, du matériel d’accastillage, des lingots de plomb…) permettront une relecture inédite de l’histoire du commerce maritime en Tunisie, selon Ouafa Slimane, archéologue subaquatique à l’Institut national du patrimoine (INP) et directrice scientifique du projet. « En 2015-2016, la prospection géophysique du site nous avait permis d’établir une cartographie et un premier inventaire des pièces présentes, grâce à un projet avec la coopération italienne, retrace la chercheuse. Puis, en janvier, un décret ministériel a permis de classer le pourtour de l’île en tant que zone protégée. »

Ces recherches sont encouragées par l’Unesco, qui a fêté en juin les 20 ans du vote d’une convention encadrant l’archéologie sous-marine. « Les eaux constituent le plus grand musée du monde », avait alors déclaré sa directrice générale, Audrey Azoulay, en visite officielle à Tunis, appelant la communauté internationale à se mobiliser pour explorer et protéger ces vestiges immergés.

De l’antiquité à l’époque contemporaine

La Tunisie est déjà prisée par les archéologues pour la richesse et la diversité de son patrimoine terrestre. Près de 3 000 ans d’histoire aux influences romaines, puniques, berbères, turques et andalouses ont façonné la géographie d’un pays qui compte près de 30 000 sites, dont seulement une soixantaine sont exploités.

Mais les eaux tunisiennes demeurent des espaces vierges pour les explorateurs, « en partie par manque de ressources humaines et à cause de moyens logistiques limités », selon Ouafa Slimane. La recherche subaquatique est en outre soumise à une batterie d’autorisations et souvent encadrée par des plongeurs de la marine militaire, un long processus logistique et administratif qui explique la rareté des expéditions.

Les 1 300 kilomètres de côtes suggèrent pourtant la présence de nombreuses richesses sous les eaux, avec des reliques allant de l’antiquité à l’époque contemporaine, comme en témoigne la découverte d’une épave d’un sous-marin français datant de la première guerre mondiale au large du cap Bon, en 2020.

(Source: Le Monde)