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Macron ''demande pardon'' aux Harkis

Emmanuel Macron a "demandé pardon" lundi aux harkis au nom de la France et annoncé un projet de loi de "reconnaissance et de réparation" à l'égard des anciens combattants aux côtés de l'armée française durant la Guerre d'Algérie.

Une forte émotion était palpable dans la salle des fêtes de l'Elysée, où le chef de l'Etat avait invité quelque 300 personnes: des harkis, qui sont désormais très âgés, 60 ans après la fin du conflit, mais aussi leurs descendants, des responsables d'associations et des personnalités.

Le discours de Macron a ainsi été interrompu pendant quelques minutes lorsqu'une femme, très émue, l'a interpellé en affirmant que les excuses ne suffisaient pas.

Le Président a été aussi applaudi à plusieurs reprises, notamment lorsqu'il a déclaré: "Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance; nous n'oublierons pas. Je demande pardon, nous n'oublierons pas".

Ces excuses sont un nouveau pas pour un chef d'Etat, après celui de François Hollande, qui avait reconnu en 2016 "les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis".

Il a ensuite promis la présentation "avant la fin de l'année d'un projet  visant à inscrire dans le marbre de nos lois la reconnaissance et la réparation à l'égard des harkis".

"Après la fin de la guerre d'Algérie, la France a manqué à ses devoirs vis-à-vis des harkis", a encore affirmé le chef de l'Etat en précisant que ce n'était pas son "rôle" de juger "les dirigeants de l'époque", qui revient aux historiens.

Les harkis sont ces anciens combattants - jusqu'à 200.000 hommes - recrutés comme auxiliaires de l'armée française pendant le conflit qui opposa de 1954 à 1962 des nationalistes algériens à la France.

A l'issue de cette guerre, une partie d'entre eux, abandonnés par Paris, ont été victimes de représailles en Algérie.

Plusieurs dizaines de milliers d'autres, souvent accompagnés de femmes et d'enfants, ont été transférés en France, où ils ont été placés dans des "camps de transit et de reclassement" aux conditions de vie indignes et durablement traumatisantes.
- "Drame irréparable" -

"Le drame des harkis dépasse l'entendement, il est irréparable. Ils ont été trahis par l'Etat français", a dénoncé lundi Dalila Kerchouche, fille de harki et réalisatrice, intervenant avant le chef de l'Etat.

Le sociologue Mohand Hamoumou a estimé que la loi devait permettre de "sortir de la compassion et d'aller vers la vérité et la justice", mais aussi d'"engager le droit à réparation".

Cette réception s'est tenue cinq jours avant la journée nationale d'hommage aux harkis, qui est célébrée tous les 25 septembre depuis 2003, notamment dans le sud de la France où cette communauté est très présente.

En septembre 2018, la secrétaire d'Etat aux Armées Geneviève Darrieussecq avait présenté un "plan harkis" comprenant le déblocage de 40 millions d'euros sur quatre ans pour revaloriser les pensions des anciens combattants et venir en aide à ceux de leurs enfants qui vivent dans la précarité.

Au cours de la réception, Macron a décoré Salah Abdelkrim, un représentant harki blessé au combat, un officier français, le général François Meyer, qui a organisé le rapatriement "de plusieurs centaines de harkis en désobéissant aux ordres", et une fille de harki, Bornia Tarall, "militante de l'égalité des chances et de la diversité".

Après avoir pris différentes initiatives (sur Maurice Audin, l'ouverture des archives ou l'assassinat de l'avocat Ali Boumendjel...), Emmanuel Macron entend encore participer à deux journées mémorielles d'ici à la fin du quinquennat: la répression par la police française d’une manifestation d’Algériens à Paris le 17 octobre 1961, et la signature des accords d’Evian le 18 mars 1962 qui ont consacré la défaite française en Algérie.

Autant de rendez-vous politiquement sensibles à l'approche de la présidentielle d'avril 2022, alors que les harkis représentent un électorat traditionnellement courtisé par le Rassemblement national et la droite.

"La générosité électorale d’Emmanuel Macron ne réparera pas des décennies de mépris ainsi que l’outrage commis par le président à la mémoire de ces combattants de la France accusés, en 2017, avec d’autres, de +crime contre l’humanité+", a dénoncé Marine Le Pen dans un tweet posté avant le discours du chef de l'Etat.

(AFP)