Les Druzes: une minorité au cœur des conflits du Moyen-Orient
Les Druzes constituent une minorité ethno-religieuse arabophone présente en Syrie, au Liban, en Israël et sur le plateau du Golan occupé.
Leur religion, née au XIe siècle d’une scission de l’islam chiite ismaélien, possède des fondements ésotériques et initiatiques.
Ils croient en un imam caché, Al-Hakim, calife fatimide, considéré comme une émanation divine réincarnée, à travers différentes figures religieuses. Ce n’est pas une forme de polythéisme, mais la manifestation d’un principe unique sous des formes diverses.
Seuls les "uqqal" (initiés) peuvent accéder aux enseignements religieux profonds et diriger la communauté. Les "adjawib" sont les «parfaits», tandis que les "djohhal" (ignorants) sont les non-initiés, traités avec bienveillance mais exclus des rituels. Les cérémonies ont lieu à huis clos, le vendredi, dans les temples.
De la puissance régionale à la marginalisation
Historiquement, les Druzes se sont imposés comme une force politique dans le Mont Liban, notamment au XVIIe siècle sous l’émir Fakhr al-Din II, avant d’être partiellement déplacés vers le Djebel Druze (aujourd’hui Djebel al-Arab en Syrie). Cette région bénéficiera d’une autonomie administrative sous le mandat français, à partir de 1922.
Au XIXe siècle, l’effondrement progressif de l’Empire ottoman, l’intervention égyptienne et la montée des tensions intercommunautaires, notamment les massacres de 1860, marquent un tournant. Les Druzes s’opposent alors aux chrétiens et se trouvent relégués politiquement, notamment au Liban. Leur soulèvement contre le mandat français en 1925 montre leur volonté de conserver une forme d’autonomie.

Poids politique disproportionné au Liban et en Israël
Dans le Liban indépendant, les Druzes ont joué un rôle important, notamment à travers le leadership de Kemal Joumblatt, puis de son fils Walid Joumblatt, figures centrales de la gauche libanaise et de la guerre civile.
En Israël, les Druzes représentent environ 152 000 personnes, dont une minorité vit sur le Golan annexé. Intégrés à l’armée, ils bénéficient d’un statut particulier et sont considérés comme une communauté loyale à l’État hébreu. Leur engagement militaire est souvent mis en avant par les autorités israéliennes, notamment pour justifier un devoir de protection envers leurs coreligionnaires de Syrie.
Israël : protection des Druzes ou stratégie de déstabilisation ?
Depuis la chute progressive du régime Assad, Israël affiche son soutien aux Druzes syriens, notamment à travers des frappes ciblées, comme celle menée près du palais présidentiel de Damas le 3 mai 2025. Le Premier ministre Netanyahu a affirmé vouloir empêcher tout déploiement militaire menaçant les Druzes.

Mais selon plusieurs analystes, dont Andreas Krieg du King’s College, ce soutien s’inscrit moins dans une logique humanitaire que dans une stratégie d’affaiblissement de la Syrie. Déjà en 2015, Gideon Saar, actuel ministre israélien des Affaires étrangères, appelait à un morcellement de la Syrie en entités ethno-religieuses, avec une autonomie druze dans le Sud.
Certains leaders druzes au Liban et en Syrie accusent même Israël de vouloir instrumentaliser les divisions confessionnelles pour légitimer ses ambitions territoriales, tout en se présentant comme protecteur régional des minorités (Druzes, Kurdes, Alaouites).